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Réforme de la carte judiciaire : maintien des tribunaux d’instance

Civil - Informations professionnelles, Procédure civile et voies d'exécution
01/10/2018
Répondant aux interrogations parlementaires, la Chancellerie ajuste son discours en ce qui concerne la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance, en assurant d’un rattachement uniquement organique, de la conservation de la dénomination actuelle et de la stabilité des compétences.
Comme le constate la Chancellerie, le projet de loi de programmation et de réforme de la justice a suscité beaucoup d'interrogations, particulièrement en ce qui concerne le chantier relatif à l'adaptation du réseau des juridictions (voir not. Raimbourg D., Houillon P., Adaptation du réseau des juridictions, Chantiers de la Justice, Rapp. au garde des Sceaux, 15 janv. 2018 . À lire aussi : Chantiers de la Justice : quelles orientations pour la carte judiciaire et l’organisation juridictionnelle ?, Actualités du droit, 13 mars 2018 ; Avant-projet de loi de programmation pour la Justice : les mesures relatives à la carte judiciaire, Actualités du droit, 15 mars 2018).

Mais à la suite de ces premiers retours, « il a notamment été décidé de ne fermer aucune juridiction, de ne pas desserrer le maillage judiciaire existant et de n'affaiblir aucun site judiciaire. Le statu quo n'apparaissait pas acceptable pour autant ». La garde des Sceaux explique en effet que « le maillage juridictionnel national sera maintenu et les contentieux continueront à être jugés dans des conditions que nous rendrons encore plus favorables qu'actuellement ».
Ainsi – et dans le prolongement de ce qui a déjà pu être annoncé (voir Réforme de la justice : les derniers ajustements connus, Actualités du droit, 21 sept. 2018.) – la Chancellerie indique qu’il a été décidé de proposer « une évolution centrée non pas sur des directives venues de Paris mais fondée sur des propositions émanant du terrain », cette évolution étant fondée sur plusieurs axes :
  • rendre plus lisible l'organisation des juridictions en proposant une fusion administrative des tribunaux d'instance (TI) et de grande instance (TGI) ;
  • rendre une justice plus efficace en offrant aux juridictions la possibilité de spécialiser des contentieux techniques et de faible volume ;
  • rendre possibles des évolutions pour les cours d'appel dans deux régions expérimentales (sur ce point, voir not. Réforme de la carte judiciaire et maintien des cours d’appel, Actualités du droit, 21 sept. 2018).

En ce qui concerne spécifiquement la fusion des TGI et TI, la Chancellerie rappelle, une fois encore, que la mesure répondrait à un souci de simplification des procédures (Nicole Belloubet, ministre de la Justice : « Nous souhaitons simplifier la procédure civile et faciliter l’accès au juge », Actualités du droit, 27 avr. 2018). En effet, la répartition des contentieux ces juridictions serait « complexe et peu lisible pour le justiciable ». Or, « ce dernier ne devrait pas avoir à se demander s'il doit saisir le TI ou le TGI suivant la nature de son litige ». Ceci serait d’autant plus justifié si l’on prend en compte de l’une des (nombreuses) autres mesures proposées dans le cadre du projet de loi de programmation qui tend à simplifier la saisine du juge par un « formulaire unique de requête introductive d'instance » (voir not. Chantiers de la Justice et procédure civile : état des lieux du contenu du projet de loi et de l’avis de Conseil d’État, Actualités du droit, 25 avr. 2018 et Chantiers de la Justice et procédure civile : les schémas de la première instance au feu et le CPC au milieu ?, Actualités du droit, 19 janv. 2018).

La fusion des TI et des TGI, qui continue donc d’être affirmée dans son principe, devrait permettre de simplifier la gestion des contentieux pour le justiciable et devrait avoir des conséquences positives pour les chefs de juridiction « qui disposeront de plus de souplesse pour gérer leurs ressources humaines ». Il est également réaffirmé qu’ « aucun lieu de justice ne sera fermé. Ainsi, dans les villes où il existe actuellement un tribunal d'instance isolé, celui-ci sera maintenu et ses compétences actuelles seront préservées par décret ». Partant, « il n'y aura donc aucun recul de la justice de proximité ».

Mais une évolution, pour le moins sémantique, semble se dessiner. Ainsi, le tribunal d’instance sera « organiquement rattaché à un tribunal de grande instance » et il « conservera sa dénomination » – sans qu’il ne soit plus explicitement fait état d’une « chambre détachée » du TGI. Les magistrats et fonctionnaires continueront à être « précisément affectés » au TI et les TGI « ne seront aucunement affectés, conservant leurs présidents et leurs procureurs de la République ».

En ce qui concerne la répartition des compétences, le TI continuera « à juger les contentieux du quotidien identiques à ceux d'aujourd'hui », la Chancellerie signalant que « l'article 53 du projet de loi prévoit même que les chefs de cour pourront attribuer au tribunal d'instance des compétences supplémentaires, après avis du président du tribunal de grande instance et du procureur de la République, si cela correspond à un réel besoin des justiciables ». Dès lors, si des projets de spécialisation et de répartition des contentieux « très techniques et de faible volume » entre ces tribunaux sont proposés par les chefs de cours, ils seront étudiés par la Chancellerie « dans la perspective d'une meilleure efficacité de la justice ».

En conclusion, le projet qui sera examiné au Parlement très prochainement « ne vise donc aucunement à mettre en cause la justice de proximité puisqu'aucun site juridictionnel ne sera affaibli. Bien au contraire, l'objectif visé est que, à partir des outils qui seront mis à leur disposition, les territoires puissent, s'ils l'estiment nécessaire, proposer une organisation plus efficace du traitement des contentieux ». Il n’est néanmoins pas certains que cela suffise à calmer les inquiétudes générées par cette future réforme (voir not. Réforme de la justice civile : les syndicats pointent des économies au détriment du justiciable, Actualités du droit, 12 sept. 2018).
Source : Actualités du droit