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GPA : quand l’intérêt de l’enfant l’emporte sur la vérité biologique

Civil - Personnes et famille/patrimoine
13/09/2019
Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui étant nulle (C. civ., art. 16-7), l’action du père biologique en contestation de la reconnaissance de paternité du père d'intention, destinée à lui permettre d’établir sa propre filiation sur l’enfant, est irrecevable comme reposant sur un contrat prohibé par la loi.
En l’espèce, un couple d’hommes contracte avec une femme une convention de gestation pour autrui (GPA), aux termes de laquelle celle-ci devait porter, contre rémunération, l’enfant qu’elle concevrait à l’aide du sperme de l’un ou de l’autre. Au cours de la grossesse, la femme a reconnu l’enfant. Puis, elle a indiqué au couple commanditaire que celui-ci était décédé à la naissance. Toutefois, le couple ayant appris que l’enfant était vivant et avait été reconnu par un autre homme, au foyer duquel il demeurait depuis sa naissance, a déposé plainte à l’encontre de la femme pour escroquerie. Au cours de l’enquête pénale, il a été établi, d’une part, qu’un des membres du couple d’hommes commanditaires de la GPA était le père biologique de l’enfant et, d’autre part, que la mère porteuse avait décidé de confier l’enfant à naître à un autre couple contre rémunération, sans faire état de l’existence de « l’insémination artisanale » à l’origine de sa grossesse. En outre, selon son acte de naissance, l’enfant est né de la mère porteuse et du mari du second couple qui l’a reconnu. L’ensemble des protagonistes de cette affaire ont été condamnés pénalement.

Le requérant, père biologique de l’enfant, a alors assigné le père d’intention et la mère porteuse en contestation de la paternité du premier et en établissement de sa propre paternité sur l’enfant ; il a demandé le changement de nom du mineur, l’exercice exclusif de l’autorité parentale et la fixation de sa résidence chez lui.

Devant la Haute juridiction, il fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevables ses demandes.
À l’appui de son pourvoi, il fait valoir notamment que « l’illicéité de la gestation pour autrui ne constitue pas une fin de non-recevoir à l’exercice par le père biologique d’une action tendant tant à établir la filiation biologique de son enfant qu’à contester sa filiation à l’égard du parent d’intention qui l’a reconnu frauduleusement après avoir également conclu un contrat de mère porteuse ». Il argue également « que l’impossibilité d’établir un lien de filiation paternelle constituant une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée de l’enfant, il appartient au juge d’apprécier si, concrètement, elle ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l’intéressé, au regard du but légitime poursuivi, et en particulier, si un juste équilibre est ménagé entre les intérêts publics et concurrents en jeu ; qu’en se déterminant en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant qui a tissé des liens affectifs avec ses parents d’intention depuis quatre ans, à la date à laquelle elle statuait, après avoir déclaré irrecevables les demandes [du père biologique] comme reposant sur un contrat de mère porteuse illicite, la cour d’appel, qui n’a pas opéré un tel contrôle de proportionnalité, a violé l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

La Cour de cassation rappelle tout d’abord avec fermeté qu’aux termes de l’article 16-7 du Code civil, toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle et que, selon l’article 16-9 du même code, ces dispositions sont d’ordre public. Aussi, en ayant relevé que l’action du requérant en contestation de la reconnaissance de paternité du père d'intention destinée à lui permettre d’établir sa propre filiation sur l’enfant, reposait sur la convention de gestation pour autrui qu’il avait conclue avec la mère, la cour d’appel en a exactement déduit que la demande était irrecevable comme reposant sur un contrat prohibé par la loi.

Elle indique ensuite que l’arrêt énonce que la réalité biologique n’apparaît pas une raison suffisante pour accueillir la demande du père biologique au regard du vécu de l’enfant qui vit depuis sa naissance chez son père d’intention, qui l’élève avec son épouse dans d’excellentes conditions, de sorte qu’il n’est pas de son intérêt supérieur de voir remettre en cause le lien de filiation avec celui-ci, ce qui ne préjudicie pas au droit de l’enfant de connaître la vérité sur ses origines. La Haute juridiction retient alors que les juges d’appel, ayant observé qu’il en est ainsi même si la façon dont ce lien de filiation a été établi par une fraude à la loi sur l’adoption n’est pas approuvée, et précisé que le procureur de la République, seul habilité désormais à contester la reconnaissance du père d’intention, a fait savoir qu’il n’entendait pas agir à cette fin, ont ainsi mis en balance les intérêts en présence, dont celui de l’enfant, qu’ils ont fait prévaloir. Ainsi, la cour d’appel n’a pas méconnu les exigences conventionnelles résultant de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Source : Actualités du droit