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Infection nosocomiale : périmètre de l’indemnisation de l’assistance par tierce personne et du préjudice d’accompagnement de fin de vie

Civil - Responsabilité
Public - Santé
06/11/2019
Dans un arrêt du 24 octobre 2019, la Cour de cassation se prononce sur la prise en compte de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) dans la fixation de l’indemnité due au titre de l’assistance à tierce personne et sur les modalités de réparation du préjudice d’accompagnement de fin de vie.
À la suite d’une opération du dos réalisée par un chirurgien dans les locaux d’une polyclinique, une patiente a présenté un syndrome infectieux et gardé un lourd handicap en dépit des traitements mis en œuvre. Elle-même, son époux et son fils ont assigné en responsabilité et indemnisation le praticien, la polyclinique, son assureur et l’Office national d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l’ONIAM). La victime étant décédée, ses ayants droit ont sollicité la réparation des préjudices subis par elle, ainsi que celle de leurs préjudices personnels.

Le caractère nosocomial de l’infection contractée par la défunte et son lien causal avec le décès ayant été retenus, l’indemnisation a été, en raison de la gravité des conséquences de cette infection, mise à la charge de l’ONIAM, sur le fondement de l’article L. 1142-1-1, alinéa 1er, du Code de la santé publique.

Pour évaluer cette indemnisation, la cour d’appel a jugé que :
  • le montant due au titre de l’assistance par une tierce personne doit comprendre l’allocation personnalisée d’autonomie perçue par la défunte, allocation dépourvue de caractère indemnitaire ;
  • le montant due au titre des préjudices personnellement éprouvés, doit s’entendre des préjudices résultant de la maladie de son épouse liés au bouleversement dans les conditions de vie de son époux, et de ceux consécutifs au décès, constitués notamment d’un préjudice d’accompagnement.
La décision de la cour d’appel est censurée par la Cour de cassation sur ces deux postes de préjudice.
 
Assistance par tierce personne : déductibilité de l’APA

Au visa des articles L. 1142-1-1 et L. 1142-17, alinéa 2, du Code de la santé publique, et L. 232-1 et suivants du Code de l’action sociale et des familles, ensemble le principe d’une réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime, la Haute juridiction énonce que « doivent être déduites de l’indemnisation versée par l’ONIAM (…), les prestations énumérées à l’article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, et plus généralement, les indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice ; (…) que l’allocation personnalisée d’autonomie (l’APA) constitue une prestation indemnitaire, dès lors qu’elle n’est pas attribuée sous condition de ressources, et que, fixée en fonction des besoins individualisés de la victime d’un handicap, elle répare les postes de préjudice relatifs à l’assistance par une tierce personne ».
Retenant le caractère indemnitaire de l’APA, celle-ci doit donc être déduite dans la liquidation du préjudice de l’assistance par tierce personne.
 
Cette décision de la première chambre civile de la Cour de cassation est d’importance. En effet, elle s’oppose à la position de la deuxième chambre civile, selon laquelle les prestations dépourvues de caractère indemnitaire (aides sociales, APA, RSA, allocations de chômage, allocation pour adulte handicapé, etc.), qui ne visent pas à réparer le dommage et ont pour cause la solidarité nationale, ne doivent pas être déduites de l’indemnité fixée en réparation des préjudices des victimes par ricochet, ni être ajoutées à leurs revenus postérieurs au décès pour réduire l’indemnité qui leur est due (v. par exemple, Cass. 2e civ., 20 oct. 2016, n° 15-17.507, Bull. civ. II, n° 237, retenant la non-déductibilité de l’APA pour fixer le préjudice d'assistance par tierce, cette allocation n’étant pas mentionnée par l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985, et ne donnant pas lieu à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation).
 
Réparation du préjudice d’accompagnement de fin de vie

Rappelant le périmètre du préjudice d’accompagnement de fin de vie, qui a pour objet d’indemniser les troubles et perturbations dans les conditions d’existence d’un proche qui partageait habituellement une communauté de vie affective et effective avec la victime, la Cour de cassation infirme la décision de la cour d’appel et confirme sa jurisprudence antérieure.
En effet, en fixant « l’indemnisation due au titre des préjudices personnellement éprouvés, [en retenant] l’existence, d’une part, de préjudices résultant de la maladie de son épouse liés au bouleversement dans les conditions de vie de celui-ci, d’autre part, des préjudices consécutifs au décès, constitués notamment d’un préjudice d’accompagnement », la cour d’appel a doublement indemnisé ce préjudice.
Or, selon le principe d’une réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime, un poste de préjudice ne peut faire l’objet d’une double indemnisation (v. Cass. 1re civ., 3 mai 2006, n° 05-10.411, Bull. civ. I, n° 214 ; ou plus récemment Cass. 1re civ., 26 sept. 2019, n° 18-20.924).
 
Pour mémoire, les dispositions applicables sont les suivantes :
– l’article L. 1142-1-1 du Code de la santé publique, relatif aux dommages ouvrant droit à réparation au titre de la solidarité nationale ;
– l’article L. 1142-17, alinéa 2, du Code de la santé publique, relatif à l’offre d’indemnisation ;
– l’article L. 232-1 du Code de l’action sociale et des familles, relatif à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).
 
 
 
Source : Actualités du droit