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Covid-19 : les juridictions ferment, sauf exceptions

Social - Contrôle et contentieux
16/03/2020
La ministre de la Justice a publié un communiqué le 15 mars 2020 concernant l'organisation du service public de la justice, en raison de la propagation du virus Covid-19. Depuis lundi 16 mars, juridictions, services d’accueil du public, maisons de justice et du droit et tous les points d’accès au droit sont tenus de fermer sauf pour les « contentieux essentiels ». 
Face à la propagation du virus Covid 19, l’objectif des politiques est que les services essentiels à la vie des citoyens restent ouverts. Notamment le service public de la Justice. La garde des Sceaux a donc publié un communiqué précisant que « les services d’urgences pénales et civiles des juridictions, l’incarcération dans des conditions dignes des détenus ou encore l’accueil des mineurs confiés à la protection judiciaire de la jeunesse doivent pouvoir être maintenus dans un cadre qui prévient la propagation du virus tant à l’égard des personnels que des publics reçus ou pris en charge par les personnels relevant du ministère de la justice ».
 
L’information devra être transmise aux justiciables et avocats via des affichages, sites internet ou messages téléphoniques.
 
Le traitement des contentieux « essentiels » maintenu
Les juridictions sont donc fermées à l’exception de certains services assurant le traitement des contentieux dits « essentiels ». Concrètement, la garde des Sceaux a précisé dans un mail envoyé aux juridictions qu’il s’agit :
  • des mesures correctionnelles pour les mesures de détention provisoire et contrôle judiciaire ;
  • des audiences de comparution immédiate ;
  • des présentations devant le juge d’instruction et le juge des libertés et de la détention ;
  • des audiences du juge de l’application des peines pour la gestion des urgences ;
  • des audiences du tribunal pour enfants et du juge pour enfant concernant la gestion des urgences, notamment pour l’assistance éducative ;
  • des permanences du parquet ;
  • des référés devant le tribunal judiciaire visant l’urgence et les mesures urgentes relevant du juge aux affaires familiales ;
  • des audiences auprès d’un juge des libertés et de la détention civil (notamment hospitalisation sous contrainte, rétention des étrangers) ;
  • des permanences au tribunal pour enfants, l’assistance éducative d’urgence ;
  • des audiences de la chambre de l’instruction pour la détention ;
  • des audiences de la chambre des appels correctionnels et chambre d’application des peines pour la gestion des urgences. 
Le communiqué de presse du ministère de la Justice précise également qu’il convient « dans la mesure du possible, d’annuler les sessions d’assises ». Les procès pouvant être renvoyés, « dans les limites du délai raisonnable et dans le respect des délais de détention provisoire ».
 
Quid des professionnels ?
Les personnels dédiés au traitement des contentieux essentiels « ne devront pas comprendre les personnes vulnérables au virus et les personnels qui n’ont pas de solutions de garde pour leurs enfants de moins de 16 ans » insiste la ministre, « une simple attestation sur l’honneur sera suffisante pour ne pas les faire participer à ces équipes ».
 
Un flou persiste
Des questions persistent néanmoins du côté des professionnels. Quid des audiences de composition pénales, du Sauj ? Quid surtout de la définition des « contentieux essentiels » ? Une expression dont le flou a suscité diverses réactions, entre interrogation et ironie. C’est notamment le cas de maître Vey qui a déclaré dans un tweet « Ça y est le ministère annonce la fermeture de tous les tribunaux, sauf “contentieux essentiels”. Je vais enfin pouvoir écrire un article de doctrine, sur ce nouveau terme juridique » (Twitter, Antoine Vey).

Quid des établissements pénitentiaires ?
Côté établissements pénitentiaires, la ministre de la Justice précise que les mesures de prévention sont aussi renforcées : activités en milieu confiné suspendues, promenades et activités en plein air ou en espace non confiné maintenues, mais avec des aménagements. Mêmes mesures pour le travail et la formation professionnelle. Concernant les visites, le nombre de visiteurs aux parloirs sera limité. À noter qu’un détenu et une infirmière de la prison de Fresnes ont été testés positif au coronavirus (Coronavirus : une deuxième infirmière de la prison de Fresnes testée positive, France Bleu).
 
Et pour les services de protection judiciaire de la jeunesse ?
Pour les services de placement de la protection judiciaire de la jeunesse, l’activité est maintenue avec des mesures de précaution précise le communiqué du ministère de la Justice.
 
Conseil d’État : audiences annulées à l’exception des référés
De son côté, le Conseil d’État annonce dans un communiqué que « toutes les séances de jugement sont annulées à l’exception des référés ». Et même si ces audiences sont maintenues, la présence de personnes sera limitée : présence physique des requérants non obligatoires et accès du public « très » restreint.
 
Cour européenne des droits de l'homme : des mesures exceptionnelles prises
Au niveau européen, la CEDH a décidé de prendre un certain nombre de mesures exceptionnelles. « Les activités essentielles de la Cour seront, en principe, assurées et, en particulier, le traitement des affaires prioritaires » précise le communiqué de la Cour publié le 16 mars 2020. Des procédures sont mises en place pour que les demandes urgentes de mesures provisoires puissent être examinées. Néanmoins, la Cour n'est plus accessible et « les audiences prévues en mars et en avril n'auront pas lieu ». 

Concernant les délais, celui de 6 mois prévu pour introduire une requête est suspendu pour une période d'un mois à compter de la publication du communiqué. Et « tous les délais impartis dans les procédures pendantes sont suspendus pendant une période d'un mois à compter du lundi 16 mars 2020 ». La Cour affirme que ces mesures seront réexaminées constamment en fonction de l'évolution de la situation sanitaire. 

Une circulaire de « plan de continuation d’activité » déjà envoyée mais dépassée...
La ministre de la Justice indique dans son communiqué que des plans de continuation d’activité ont été préparés depuis plusieurs semaines pour garantir la continuité du service public de la justice malgré la pandémie. Une circulaire sur ce sujet a d’ailleurs été envoyée le 14 mars 2020 par la Direction des affaires criminelles et des Grâces et la Direction des affaires civiles et du Sceau à plusieurs institutions, dont le Conseil national des barreaux.
 
La circulaire précise les mesures à prendre concernant les conséquences de la réduction d’activité tant en matière civile qu’en matière pénale. Concrètement, « la présente circulaire a pour objet d’identifier les difficultés susceptibles de se poser dans le traitement judiciaire des procédures pénales et civiles et de préciser les instructions de politique pénale adaptées à ces circonstances exceptionnelles ». Eu égard aux grandes difficultés du contexte sanitaire actuel, l'avenir dira si ces mesures sont suffisantes...
 
Source : Actualités du droit