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Plus-value professionnelle et report d’imposition : application à l’apport d’un « bien professionnel »

Civil - Fiscalité des particuliers
16/06/2020
Le conjoint non exploitant qui apporte en société un fonds de commerce figurant dans une société d’acquêts peut bénéficier du report d’imposition des plus-values professionnelles.
L’article 151 octies du CGI permet un report d’imposition de la plus-value constatée du fait de l’apport en société d’une entreprise individuelle ou d’une branche complète d’activité. Le Conseil d’État, dans un arrêt du 5 juin 2020, rappelle les conditions d’application du régime des plus-values professionnelles et du report d’imposition dans un cas un peu particulier.

Les faits
M. et Mme B., mariés sous le régime de la séparation de biens, constituent une société d’acquêts à laquelle l’époux apporte un fonds de commerce de pharmacie qu’il a créé et dont l’exploitation est confiée à l’épouse. Celle-ci constitue ensuite avec son fils une SARL à laquelle le fonds de commerce est apporté. À l’issu d’un contrôle fiscal, l’administration constate que le mari n’a pas déclaré à l’impôt sur le revenu la plus-value d’apport correspondant aux droits qu’il détenait dans la société d’acquêts. Elle estime que cette plus-value devait être imposée selon le régime des plus-values professionnelles mais, qu’à défaut pour l'intéressé d'exercer alors l'activité de pharmacien, les conditions pour pouvoir bénéficier du report d'imposition n’étaient pas satisfaites, quand bien même son épouse aurait bénéficié de ce régime pour l'imposition de la fraction de la plus-value la concernant (CGI, art. 151 octies). En conséquence, M. B. est assujetti aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondantes. Sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités est rejetée. Il se pourvoit en cassation.

La solution
M. B. obtient gain de cause. Le Conseil d’État juge qu’il « résulte des termes même de l’article 151 octies du CGI, que le bénéfice de ce report d'imposition n'est subordonné qu'à l'affectation à une activité professionnelle de l'élément d'actif en cause » et que, par conséquent, l’arrêt de la cour administrative d’appel doit être annulé pour erreur de droit.
Lorsque « les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens assorti de la création, par voie conventionnelle, d'une société d'acquêts, les biens ou revenus apportés à cette "société" sont soumis, sauf stipulation contraire, aux règles de la communauté. Les droits que détient un conjoint sur un actif apporté à la société d'acquêts et affecté à l'exercice de la profession de l'autre conjoint ont toujours, du point de vue fiscal, le caractère d'un élément de patrimoine professionnel, même dans le cas où ce conjoint ne participe pas à l'activité professionnelle en cause. Ces droits font, en conséquence, s'il y a lieu, l'objet d'une imposition selon le régime applicable aux plus-values professionnelles, prévu par les articles 39 duodecies et suivants du code général des impôts. Si le ministre soutient que M. B. aurait constitué avec son épouse une société de fait exploitant le fonds de commerce apporté à la société Pharmacie B., l'existence d'une telle société de fait n'est, en tout état de cause, pas établie en l'absence de participation de M. B. à la gestion de celle-ci. Par suite, la plus-value réalisée à l'occasion de l'apport par M. B. de ses droits indivis sur le fonds de commerce précité pouvait être imposée comme plus-value professionnelle ».
Source : Actualités du droit